Caroline Vély avec François BAYROU

Caroline Vély avec François BAYROU

samedi 3 février 2007

L’abolition de la peine de mort, c’est un acte de foi dans l’homme mais aussi un acte de raison

"L’abolition de la peine de mort, c’est un acte de foi dans l’homme mais aussi un acte de raison"
Par Hervé Morin, lundi 29 janvier 2007 à 15:51 :: Peine de mort :: #14 :: rss

Je défends le projet du chef de l'Etat de constitutionnaliser l’abolition de la peine de mort.

En effet, demain, mardi 30 janvier 2007, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort, présenté au nom de Jacques Chirac, sera examiné à l'Assemblé nationale.
Il s'agit d'un article unique : "Nul ne peut être condamné à la peine de mort", qui sera définitivement adopté lors de la réunion du Congrès à Versailles, le 19 février prochain.

Un article lourd de sens. A ce sujet, je vous propose de lire la tribune que j’ai écrite dans Valeurs Actuelles, le 26 janvier dernier, intitulée : "Pour la constitutionnalisation de l'abolition de la peine de mort".

"Le combat contre la peine de mort est un long combat. Il sera bientôt terminé dans nos lois mais il n’est pas fini dans les têtes, comme l’illustre le récent débat en France sur l’exécution de Saddam Hussein.
Depuis Voltaire, Hugo, 200 ans après que Le Peletier de Saint Fargeau ait demandé en 1791 l’abolition de la peine capitale, dans la première Assemblée parlementaire qu’ait connue la France, le vote dans quelques jours par notre Parlement de l’interdiction de la peine de mort dans notre Constitution est le dernier pas d’une longue marche.

Plus de 25 ans après l’abolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981, sur la volonté de François Mitterrand, Jacques Chirac fait bien de parachever l’œuvre de son prédécesseur.

Reconnaissons le, il y avait du courage et du panache dans la décision de François Mitterrand en 1981 de dire aux Français que s’il était Président de la République, il abolirait la peine de mort alors que l’opinion y était hostile. Valéry Giscard d’Estaing avait eu envie de le faire, il en avait été empêché par une partie de sa majorité. François Mitterrand l’a fait alors que les Français ne le souhaitaient pas. Et c’est bien ; et c’est cela la grandeur du politique : ne pas suivre systématiquement l’opinion, mais être à l’avant-garde, être un précurseur, même si c’est en contradiction avec ses concitoyens ; le décider quand même parce que l’on pense que c’est bien pour la communauté dont on a la charge.

Si nous considérons que ce qu’il y a de plus précieux, c’est l’homme ; que personne, pas même la loi, ou la volonté du peuple n’a le droit d’attenter à la vie d’un homme ; que la peine de mort correspond au réflexe d’une société primitive légitimant la violence en l’inscrivant dans son droit alors qu’une société doit en appeler à la raison du coeur pour reprendre la belle expression de Tocqueville, c’est-à-dire conduire les citoyens à la vertu Républicaine et à l’intelligence collective, la peine de mort n’a pas sa place. Une société qui condamne la mort n’a pas le droit de la donner.

L’abolition de la peine de mort c’est un acte de foi dans l’homme, mais aussi un acte de raison.

Je sais qu’à chaque crime on a envie de mort ; je ne doute pas un seul instant que s’il fallait que l’on touche à l’un de mes enfants, l’envie de vengeance serait plus forte que tout et que je ne supporterais pas de voir l’assassin en vie… et un jour libre. Mais si je veux bien me raisonner – beaucoup – je me dis que cela ne changera rien car le son de la voix de l’être cher ne sonnera plus, quoique l’on fasse.

Refuser la peine de mort, c’est aussi un acte d’espoir dans l’homme qui s’amende, se répare. J’ai visité beaucoup de prisons, discuté avec beaucoup de criminels. A chaque fois, je n’oubliais pas ce que de plus atroce ils avaient pu commettre et ce que cela pouvait m’inspirer ; mais le travail sur eux-mêmes, la reconnaissance de leur propre ignominie font, qu’après une longue et nécessaire peine, ils ressortent de prison et réussissent parfois une belle réinsertion et surtout récidivent très rarement. En quittant le soir la prison, je me disais à chaque fois qu’on avait eu raison d’abolir la peine de mort.
Mais je me disais aussi que la France n’avait fait qu’un bout de chemin en n’améliorant pas la condition pénitentiaire et les conditions d’encadrement des détenus, afin de tout mettre en œuvre pour que la récidive soit la plus exceptionnelle possible et qu’après la peine sévère il puisse y avoir la rédemption de l’homme.

L’échafaud disait Hugo, c’est le plus insolent des outrages à la dignité humaine, à la civilisation, au progrès. Refuser la peine de mort c’est un acte d’espoir dans l’amélioration de l’homme mais c’est aussi un acte de raison.
A moins de penser qu’avec la peine de mort, on élimine le crime, elle n’apporte rien dans la prévention de la délinquance. Toutes les études qui ont été menées démontrent que la peine de mort ne dissuade pas plus du crime que la prison. L’existence de la peine de mort est sans effet sur la criminalité. D’ailleurs, si c’était le cas, les Etats-Unis n’auraient pas trois fois plus de crimes que la France.

Au lieu de la colère et de la vengeance inscrite dans nos lois – ce que représente la peine de mort – mettons au fronton de notre démarche " une sévérité puissante, calme et juste ".

L’inscription de l’interdiction de la peine de mort dans notre Constitution, c’est enfin un message aux Chinois qui exécutent allègrement les opposants politiques, à certains pays du Golfe qui lapident des femmes seulement coupables d’avoir été amoureuses et aux Etats-Unis qui ont oublié qu’ils sont aussi le pays des Droits de l’Homme."

Hervé MORIN
Député de l’Eure
Président du Groupe UDF à l’Assemblée nationale
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